Archive for January, 2010

la grande masturbatrice au spectacle - les élucubrations onanistes m’emmerdent

Monday, January 25th, 2010

la semaine passée a pour moi été une semaine culturelle fort chargée. de bi-hebdomadaires environ (mais je ne tiens pas de statistiques), les sorties sont devenues quasi quotidiennes. alors que c’est fou mais rien n’explique cette boulimie spectaculaire : la surface de mon appartement n’a même pas diminué.

la semaine passée, en effet, j’ai pu assister au concert d’Emilie Simon au Casino de Paris. avant, d’après mon agenda, il y a eu le Blanche Neige de Preljocaj. après, la Menzogna de Pippo Delbono, Archive au Zénith.

je ne parle pour ainsi dire pas des livres que je lis, des pièces que je vois, des concerts auxquels j’assiste et des extinctions d’espèces publiques (j’ai été voir en compagnie de mon amie chômeuse Anaïs la messe du souvenir pour Louis XVI. j’essayerai de vous raconter). alors disons que si ce poste vous emmerde, vous n’êtes pas tenu/e-s de tout lire. rassurez-vous, je ne vais pas me lancer dans la critique de concerts, je vais juste parler de moi.

en me confrontant aux réactions des humain/e-s présent/e-s ces soirs-là, j’ai pu disséquer un peu mes propres goûts. c’est agréable de constater que je me réserve encore des surprises après d’aussi nombreuses années de fréquentation assidue. heureusement que je n’ai pas mis mes projets adolescents impliquant une date de péremption à exécution.

de la technique comme exhibitionnisme

Blanche Neige, j’ai adoré, j’ai presque pleuré, j’ai été emportée. c’était fin et probablement très novateur. je n’ai jamais vu de ballet -la terminologie date, et les créateurices contemporain/e-s doivent s’y sentir bien à l’étroit-classique. j’ai compris que le technique m’importunait au plus au point. on a râlé autour de moi parce qu’Emilie Simon avait utilisé des enregistrements de cuivres au lieu de mettre des musicien/ne-s sur scène. je m’en contrefous. j’ai vu ce soir-là une recherche sur la lumière complètement inédite et d’ailleurs je ne savais pas l’extrême importance de l’éclairage. j’ignorais qu’une ampoule pouvait m’émouvoir. je préfère l’avoir appris, je préfère l’avoir senti que d’avoir vu quelqu’un/e souffler dans une trompette.

la technique, c’est un peu le dos de la broderie.

je vais pas retourner pour voir s’il y a là des nœuds pas très catholiques. ça ne m’intéresse pas, je préfère m’en abstraire autant que possible. le travail m’ennuie, et en matière d’art je tends à penser que c’est quand il est le plus insoupçonnable qu’il est le mieux réalisé.

de l’ennui devant la Révolution

le moment où mon cerveau s’est le plus agité durant la Menzogna, c’est quand j’ai appris que Sophie Calle était assise quelques rangs devant moi.

au début, il y a eu un décor avec des moyens. et puis il y a eu des mots en italiens, surtitrés. de vrais ouvriers sont morts dans une vraie usine en Italie, et les patrons n’ont pas été punis. la suite de la pièce devait montrer les différentes stratégies que l’on peut mettre en place pour (sur)vivre dans un monde où règnent mensonges et corruption.

voyez, yavait tout pour plaire, un peu de complot, un gauchisme à peine caché et une dénonciation de l’hypocrisie post moderne qui est notre quotidien. j’aurais dû être emballée. tout ce petit monde intellectuello-parisien qui ne connaît du monde ouvrier que des récits donnait dans l’ovation debout. moi, après avoir vu plusieurs hommes gras se dénuder, après avoir vu des femmes plus sexy-clichés les unes que les autres se déshabiller et alors qu’un jeune trisomique qui ne portait que des colliers de perles imitait le chat en se dandinant sur scène, je n’ai pas pu empêcher de me dire que j’assistais à une autre forme de moonwalk. on croit que ça avance mais en fait…

j’aurais aimé lâcher un rot immonde et voir si ce beau public tolérait d’autres transgressions que la révolte millimétrée, scènographiée.

l’art moderne transgresse. 

c’est qu’on aime se sentir contre, on adore dénoncer. en veux-tu en voilà de la déconstruction, on condamne l’aliénation ouvrière, on s’intéressera aux exclu/e-s et surtout on trouvera cet ancien clochard, ce sourd sorti d’une institution d’une poésie renversante. pour repousser les limites, montrons plusieurs personnes nues pendant le spectacle. ça fait toujours son petit effet, l’acteur qui se déshabille sans dire un mot. les hommes sont poilus, ventrus, nus et fiers. les femmes minces, en cuir et abondamment dotées de seins. il n’y a que moi que cela frappe. me revoilà dans le rôle que je déteste le mieux, celui de la féministe hystérique.

l’art ne divertit pas.

nous sommes d’accord. je vénère certaines œuvres très ingrates. je regarde souvent Arte. j’aime qu’on caresse mon cerveau à rebrousse-poil. j’aime secouer mon cerveau. je n’aime pas avoir à me justifier parce que je n’aime pas. je n’aime pas qu’une assemblée se branle la nouille devant moi.

le spectateur termine l’œuvre.

après quelques années de fréquentation plus ou moins assidue de l’art contemporain, j’avais cru comprendre ça. j’ai un côté “cerveau sur pattes” très très prononcé. tout dire au public/lecteurices/spectateurices/regardeureuses revient à se mettre au-dessus, c’est la Bible. pas de l’art. il s’agit de montrer plutôt que de souligner, je sais, je sais.

je sais aussi qu’on pourrait aisément remplir un théâtre de personnes plus fines et cultivées que moi. le Zénith aussi mais peut-être plus Bercy. seulement malgré ma grande motivation et mes a priori positifs et pendant toute la pièce, je n’ai rien compris -ce n’est pas un problème-, rien ressenti -c’est plus problématique- sinon une certaine gène auditive. je ne vois pas pourquoi toutes les personnes qui applaudissaient ce soir-là auraient adoré 2heures pendant lesquelles je me suis sentie étrangère, rejetée, presque insultée comme ça ne m’était pas arrivé depuis longtemps.

si je vais au théâtre plusieurs fois par mois depuis un moment, si je m’intéresse vaguement à la théorie qui sous-tend tout cela et que la pièce m’est passée à côté, comment puis-je prendre cette démarche de parler du monde ouvrier au sérieux ? je sais comme la culture est inaccessible à qui n’a pas les moyens -ne serait-ce que financiers- et je trouve qu’il est presque obscène de dénoncer une oppression en excluant de fait la plupart de ses opprimé/e-s de cette représentation.

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prologue

durant la pause meublée par le trisomique nu qui courait dans toute la salle, plusieurs personnes s’en vont. le théâtre, c’est comme la vie. on se retrouve embarquée avec des gens qu’on n’a pas forcément envie de fréquenter. on ne sait pas toujours pour combien de temps. il se passe des choses qu’on comprend ou pas. on ne sait pas trop si les autres comprennent. il y en a qui font plus ou moins bien semblant. des fois on a lu le programme, la plupart du temps mensonger. il y a des gens qui préfèrent arrêter. je sais parfois s’il s’agit de courage ou de lâcheté.