De la guitare en phallocratie
Wednesday, December 2nd, 2009si vous aviez commenté mon dernier poste, j’aurais eu plus de mal à vous négliger aussi longtemps. voilà qui est dit.
je reviens à vous avec l’espoir de me calmer d’une soirée d’énervement. depuis, j’ai beau me concentrer sur mon nombril (c’est la technique de ma prof de yoga, ça marche plutôt bien en cas d’insomnie mais là ça me calme pas), me défouler sur les mecs qui m’abordent, rien n’y fait. je n’arrive pas à me libérer de cette rage.
récemment donc, j’ai été à la pendaison de crémaillère de l’amoureuse. j’avais plus envie d’une soirée en tête à tête avec ma tasse de thé (c’était le bon vieux temps, avant que ma docteure me dise que mon sang était parfait-parfait, ce que je ne me prive pas de répéter à franny quand elle désapprouve l’huile d’olive pour faire revenir les oignons de la soupe ou le sucre dans mon café. sang parfait donc, sauf pour ce qui était de l’acide urique. “ça vient de la charcuterie ou du thé de bonne qualité” a dit la Science. depuis, j’essaye de penser à acquérir du liptaune mais mon inconscient s’y refuse). j’y suis allée malgré tout, parce que je m’y étais engagée.
à cette soirée, il y avait un ami de l’amoureuse que j’appellerai ici l’âne pour conserver son anonymat. l’âne et moi avons toujours eu des problèmes qu’on dirait de communication pour être polie. cela remonte à notre première rencontre. ce soir-là, sans la mauvaise excuse de l’alcool, il avait affirmé être prêt à vivre une guerre parce qu’il habitait une chambre de bonne. oui vous voyez finalement la guerre c’est jamais qu’un problème d’espace pour ranger les livres. les coupures d’eau et d’électricité, la nourriture qui manque, les snipers tout ça c’est secondaire. Beyrouth, Sarajevo, Bagdad, on en fait tout une histoire mais finalement les vrais héros, ce sont les étudiants fauchés qui habitent rue mouffet*ard.
il a un problème avec le féminisme, les lesbiennes, une fascination pour les défilés militaires. il croit dur comme sa virilité en l’instinct maternel et il pense que les trisomiques sont presque une espèce différente. il adore venir me faire des blagues machistes, c’est toujours rigolo les blagues sur les femmes, surtout racontées à la gouine féministe de la soirée. oh allez t’es coincée ou quoi ? ce fameux faux second degré insupportable. les blagues sexistes, je les tolère si elles émanent des personnes que je sais féministes. le reste du temps, c’est aller taper dans le dos du noir de la soirée en l’appelant mamadou. ah. ah.
à l’arrivée de l’âne, j’étais effrayée par la perspective d’une autre soirée où il nous exposerait comment il est de gauche. parce qu’il ne débat pas, il expose. pour moi, être de gauche c’est pas forcément voter, c’est avoir la fin des oppressions comme but. c’est en ce sens que je ne peux pas avoir d’ami de droite. l’âne se dit d’extrême gauche parce qu’il lutte pour le droit des femmes à se réaliser. il veut qu’on les laisse enfin à obéir à leurs instincts en devenant femme au foyer. l’âne est prêt à lutter pour son bonheur parce qu’avoir une femme au foyer c’est pratique pour le bonheur de la femme (il y aurait beaucoup à dire sur le machisme que comporte en soi l’idée de LA femme).
j’ai tout essayé pour en rester à un bavardage neutre et sympathique. finalement, cette soirée, c’était tout comme les rendez-vous chez la coiffeuse. je ne devais en aucun évoquer tout ce qui avait un caractère intellectuel, politique ou artistique et donc taire tout ce qui me tient à cœur. j’ai raconté l’histoire du pipi dans les valises de la belge, j’ai lancé un débat sur le dernier film jaunasse de jeu*net, persuadée que la conversation ne risquait pas de finir par présenter un quelconque intérêt. je m’en sortais bien jusqu’au moment où, badinant, je racontais mon expérience de testeuse de guitaréros quand l’âne a lancé “de toute façon, les filles, vous savez pas jouer de la guitare”.
le problème, c’est que dans l’autre pièce principale de l’appartement, un autre type de soirée battait son plein. je crois que je ne vous ai jamais parlé de ma haine de la soirée guitare. il y a deux types de personnes sur terre : les gens qui aiment les soirées guitare et les gens intelligents. évidemment, j’appartiens à la catégorie trouble-fête et rabat-joie. je préfère assister à un meeting de notre président plutôt que de me taper plusieurs heures de chansons mal jouées par un gratteux qui en attendant de remplir Bercy pourrira toutes les fêtes où il mettra les pieds, fidèlement accompagné de son substitut phallique préféré. quand il commence à accorder la chose, il faut le regarder avec fascination. quand vient la musique, tout le monde est tenu de regarder dans le vide en dodelinant de la tête et en chantant en chœur, faux, les quelques chansons au répertoire de la star de la soirée. admettons, je pourrais m’en contenter. c’est là qu’intervient une autre des règles tacites des soirées guitares, celle qui me les rend haïssables : on chante ou on se tait, discuter dans un coin étant perçu comme un signe d’hostile impolitesse. s’accaparer l’attention de tou/te-s les convives en revanche, c’est hyper cool.
épuisée d’avance par la discussion à sens unique qu’allait m’imposer l’âne, sachant déjà comment il allait monopoliser le temps de parole et se la jouer pauvre petit progressiste persécuté, plutôt que de lui sauter à la gorge et donc passer pour la féministe hystérique que je suis probablement, ce qui n’aurait fait que lui donner raison, je suis allée à ma place naturelle : la cuisine. j’ai tout de même répliqué que je ne pouvant penser parce que je n’avais pas de bite, je me retirai. c’est alors que Meltem a crié “mais reviens, il n’en a pas non plus”.