Archive for August, 2009

désenchantement urbain

Friday, August 21st, 2009

j’arrive à peine chez moi tard et malgré sans s un manque de sommeil qui me fait de belles poches sous les yeux, poches qui me valent d’être désormais madame pour toutes les boulangères.

pour les lecteurices du Québec ; un fait de civilisation qui va vous plaire : de ce côté de l’océan, on vous appelle madame quand vous avez des enfants ou quand vous êtes mariée. je suis féministe à tendance québécoise et je déteste ce changement dans l’état civil de la française lors de son dépucelage. et par conviction féministe, je ne puis corriger ces connes de boulangères-et-avec-ceci-madame (au passage, je voudrais faire une étude sur l’influence de cette question sur les achats des client/e-s. combien angoissent et demandent quelque chose dont ils n’ont pas besoin pour ne pas attrister la boulangère nageant en plein bonheur-Prozac qui leur fait face ? par exemple, quel est le pourcentage d’honnêtes client/e-s qui demandent, paniqué/e-s, une brioche aux gratons après avoir commandé des tartelettes pour le dimanche après-midi chez mamie ? combien s’engueulent avec leur conjoint après avoir sans envie commandé un kougloff, pris/e-s par surprise par la question qui double le chiffre d’affaire des boulangeries ?)

malgré  un portrait d’Emilie Simon à écrire. je ne crois pas vous avoir raconté cette rencontre magique mais passons,

malgré un site internet à faire pour un vague projet de fac,

je viens vous raconter, à minuit passé, non pas la dernière tentative foireuse de drague dont j’ai été victime sur l’autoroute ordener mais une bien belle conversation récemment entendue. j’ai en effet eu l’honneur d’assister à un moment de grâce dans le bus qui m’emmenait de ce lieu de torture quotidienne avec caméras de vidéosurveillance, ordinateur, fontaines à eaux et informaticiens que j’appelle familièrement le boulot à un lieu de débauche sans caméras de surveillance mais avec cocktails que j’appellerai sans familiarité le bar. oui je fréquente encore des bars parce que payer 5€ de plus pour faire tout pareil dans un endroit qui a fait mettre lounge sur sa vitrine me dépasse encore un peu en dépit de ma parisianisation rampante.

je vous le dis de go, je me parisianise. déjà et j’en suis pas fière, j’ai voté vert. (c’était un appel à l’aide, un geste de désespoir politique.) je sais où me mettre sur le quai de métro pour pas perdre trop de temps au changement. je connais des petits-restos-sympas un peu partout dans Paris. je dis des phrases comme “ah non on va le voir en VO, j’ai pas quitté la Province pour aller des films en VF” (résultat ze rideur, l’accent allemand en anglais pour faire couleur locale j’ai eu beaucoup de mal à supporter). je ne dis plus bonjour (sauf aux chauffeurs de bus mais c’est parce que j’arrive pas encore à me retenir). je manifeste mon mécontentement par un “tttt” agacé quand je me trouve derrière quelqu’un/e qui ne marche pas assez vite, ou pire, qui se met sur la gauche de l’escalator sans avancer. j’arrive (presque) à déterminer la destination d’un RER en fonction de son petit nom (avant quand j’étais provinciale je croyais que c’était comme les routier/e-s voyez). je vais assister aux enregistrements de france inter. j’ai vu les crânes de tas d’acteurices dans des tas de théâtre (un jour, je verrai leurs yeux). je trouve que 25m² pour vivre c’est Byzance (quoi seulement 700€ ?! mais vraiment c’est génial). je dis terrasse pour balcon. j’arrive pas encore bien à ne pas voir les gens qui font la manche par contre, des progrès à faire.

et donc j’étais dans ce bus, toute occupée à lire l’art de l’oisiveté d’Hermann Hesse (qu’on prononce H inspiré écé et j’ai été déçue), la plume à la main pour souligner les meilleurs passages, quand j’ai vécu un de ces moments comme on n’en voit que dans les mauvais films, le moment clef où tout bascule, où la vacuité de la vie vous revient en pleine face, brisant les murs de vêtements chers et ouikende à Barcelone que vous aviez construits entre elle et vous. et donc :

dinde #1 : - ouais tu vois le Palais de Tokyo ? eh ben tu vois la terrasse en haut ? eh ben pendant l’été ils font une boîte dessus.

dinde #2 : - ah ouais ça a l’air trop cool.

dinde #1 : (visiblement soulagée d’avoir enfin trouvé une amie, une âme soeur, quelqu’une qui a la même idée de la vie qu’elle) ouais grave, en plus c’est les mecs du Baron qui font ça. ça doit être troooop cool.

le ba*ron, ami/e-s ploucs, c’est une boîte au concept absolument révolutionnaire.

le concept, attention, c’est que tu peux y rentrer en converse ou même en tongues. à condition d’y être déjà rentré certes.  et je repense à ce reportage qui a signé l’arrêt de mort de mon amour pour Tracks, l’émission d’arte devenue Gala en squat. malgré un générique en bosniaque/serbe/croate/machin, depuis que j’ai vu Rom*ain Duri*s expliquer que vraiment je sais plus quel palace c’était bien parce qu’on te jugeait pas sur comment tu t’habillais, ce qui était vraiment trop révolutionnaire dans le monde du luxe tu void. ce qui serait révolutionnaire, m’étais-je dit, ce serait qu’il apprenne à jouer autre chose que Rom*ain D*uris lui.

bref, au b*aron, le demi de bière est à une dizaine d’euros mais c’est hyper open tu vois, tu peux entrer habillé/e comme tu veux !

c’est un coup de génie marketing. il n’y a que des riches, de fait la ségrégation sociale s’opère sur le prix des consommations et sur le côté club informel (il faut connaître un client régulier pour rentrer). sauf que les riches trentenaires de 2009 culpabiliseraient un peu de se sentir bourges et de devoir s’habiller comme leurs riches papas, les trentenaires aiment à se sentir rebelles. la culpabilisation ne faisant vendre que dans les religions, il a donc fallu trouver un moyen de laisser les pauvres dehors…

dans ce bus, rue drouot deux greluches trouvaient absolument renversant cette boîte sur la terrasse du Palais de Tokyo, et le pire c’est que j’ai compris l’intégralité de leur énoncé.